Suite à la croissance exponentielle des sites internet et l’explosion du nombre d’internautes, totalisant deux milliards de personnes dans le monde, l’ICANN a décidé un élargissement des noms de domaine de premier niveau. L’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), entité américaine, est l'organisme responsable de la gestion des extensions internet. Ainsi, dès cet été, des nouveaux noms de domaine avec les extensions ".vin", ".wine", ".vino", mais également d’autres tels les ".hotel", ".book" et ".paris" viendront compléter ceux utilisés et connus se terminant notamment en ".com",".ch" ou autre ".eu". Cette décision permettra de pallier la saturation actuelle des possibilités de nouvelles adresses et de donner la possibilité à une marque, une communauté ou un territoire, d’enregistrer une adresse internet spécifique sur la base de son activité.
Pour acquérir ces extensions, la société américaine Donuts, active dans le commerce de noms de domaine, a déposé un dossier auprès de l’ICANN pour ".vin". Trois autres entreprises se disputent le droit d’acquérir ".wine". Une fois la sélection faite par l’ICANN, les sociétés propriétaires pourront faire commerce de ces noms de domaine et permettre à des entreprises, des organisations ou des individus de les combiner avec un nom de domaine de second niveau pour créer leur adresse internet personnalisée, comme par exemple "lavaux.vin" ou "vinsduvalais.wine". Le terme ".vin" n’englobe d’ailleurs pas uniquement les produits viticoles, mais fait aussi référence aux trois lettres d’identification des voitures pour les pays anglophones (vehicule identification number).
La problématique des indications géographiques viticoles
Un détenteur de marque aura un droit prioritaire pour déposer son nom de domaine. La problématique est qu’une Appellation d’Origine Contrôlée (AOC) ne rentre pas dans la définition des marques selon l’ICANN. De ce fait, une indication géographique n’est pas protégée et n’importe quelle personne, même n’ayant aucun lien avec le monde du vin, pourrait acquérir une adresse avec l’extension ".vin". On peut aisément imaginer la bataille qui s’annonce pour des noms tels que "bordeaux.vin" et "champagne.vin". Ce d’autant plus que le but des sociétés qui vont acquérir de nouveaux noms de domaine de second niveau sera de les revendre au plus offrant. Les interprofessions françaises et espagnoles sont d’ailleurs montées au créneau pour dénoncer le risque de contrefaçons ou d'usurpations d'adresses qui est bien présent. Des sites pourraient en effet attirer et dévier les internautes sur leur adresse et péjorer l'image réelle du produit ou de l'entreprise. Le cybersquattage, l'enregistrement abusif ou spéculatif de noms de domaine pour négocier leur revente par la suite, est aussi monnaie courante. L’enregistrement abusif d’un nom s’avère peu coûteux et rapide, alors que les procédures pour les annuler sont longues et onéreuses.
Il y a urgence
Le dossier doit se jouer aux niveaux des interprofessions et des gouvernements, même si l’ICANN est un organisme privé. Le prochain rendez-vous est fixé au 14 juillet, prochaine session de l’ICANN à Durban. D’ici là il est nécessaire d’élaborer un système de protection des AOC et IGP sur internet. Mais il faut faire vite, car le délai durant lequel des tiers pouvaient émettre des objections est dépassé.
A heure où le positionnement sur internet revêt une grande importance en terme de visibilité et d'e-réputation, le secteur vitivinicole doit prendre conscience de ces risques et être résolument actif pour protéger ses intérêts légitimes.